Méditation du Petit Journal de Sainte Faustine – 11 marc 2022

Voici ce qu’écrit soeur Faustine en septembre 1937 à l’intention de son père spirituel :

« Ô humilité, fleur splendide. Je vois combien les âmes qui te possèdent sont rares. Est-ce parce que tu es si belle et, en même temps, si difficile à acquérir ? Oh oui, l’un et l’autre ! Dieu lui-même se délecte de l’humilité. Les écluses des cieux sont entrouvertes pour l’âme humble et un océan de grâces se déverse sur elle. (…) » (PJ 1306, extrait)

Méditation :

Le Livre des Nombres dit que Moïse était « l’homme le plus humble que la terre ait porté. »1- Moïse avait pourtant de quoi en imposer : par sa naissance il était un fils d’esclave hébreu mais la soeur du Pharaon l’avait adopté. Il avait donc un rang de prince et pouvait parler ouvertement au roi d’Egypte. Pourtant, il se retire au désert et devient berger. Puis Dieu le fait berger d’hommes en lui demandant de devenir son instrument pour faire sortir d’Egypte les 600.000 personnes du peuple hébreu et pour les mener jusqu’à la Terre Promise. Moïse ne se considérait que comme un intermédiaire entre Dieu et le peuple d’Israël, n’agissant pas de lui-même et ne possédant rien. Il était tout donné à cette mission qu’il avait acceptée.

On voit que l’humilité est une attitude intérieure qui nous vient de Dieu. Nous ne sommes pas humbles naturellement. Nous pouvons être sous la pression d’un autre, soumis, ou de caractère timide, discrets, modestes, mais l’humilité est spirituelle. L’humilité n’est perceptible que par Dieu, c’est une façon d’être en Dieu. Elle s’impose à nous dans le combat intérieur, car il s’agit d’accepter de n’exister que par imitation à Jésus Christ, une imitation intérieure profonde.

Renoncer à être un moi revendiqué tout en vivant en société, dans un corps agissant et avec un esprit décidant, avec une compréhension profonde des choses, voilà ce qu’est l’humilité chrétienne. Elle consiste à refuser de manière radicale de vouloir mener une vie sans Dieu, à abandonner délibérément son moi pour laisser la place au serviteur qu’est le Christ et qui a dressé sa tente en nous. L’accompagnement spirituel, les retraites, les préparations exigeantes à nos confessions, le jeûne assumé et non pas subi, tout cela nous offre l’occasion de faire réajuster par Jésus nos vies à Lui car elles tendent toujours à déborder vers autre chose, elles tendent toujours à reprendre leur forme individualiste, à se remettre sans cesse au centre du monde. Le temps du Carême en particulier nous recentre sur l’essentiel et nous réajuste à Dieu. Sept fois par jour, l’Office des Heures nous fait sortir de nous-mêmes et dire : « Les yeux fixés sur Jésus Christ, entrons dans le combat de Dieu. » Fixons notre regard sur Jésus Christ qui habite en nous, pour lui permettre de combattre par nous, comme Il l’entendra, les folies de ce monde, les débordements, les conflits, les horreurs et les malheurs.

Les écluses du ciel se sont ouvertes au-dessus de la tête de Moïse. C’est la nuit et lui seul en voit le spectacle plus secret que tout : une buée étrange descend du ciel. Dieu répond au cri d’inquiétude de 600.000 hommes et femmes, au cri que Moïse, son berger d’hommes, a relayé : Seigneur, tu le vois, ils n’ont plus de pain. Ils veulent retourner en Egypte, te quitter, se désajuster de toi… La buée s’est cristallisée sur le sol frais de la nuit en pain du ciel, en un pain unique, non naturel, givre craquant et merveilleux entre miel et coriandre. Et ce pain va recentrer le peuple sur Dieu et le décentrer de soi-même, il va le replacer dans sa dignité de peuple en quête de Dieu, dépendant de Dieu, n’écoutant que Dieu par Moïse, l’instrument de sa miséricorde.

Le peuple s’est nourri de ce givre divin pendant 40 ans au désert, y puisant des forces pour tous les combats intérieurs et extérieurs. Alors que le monde qui se passe de Dieu se glorifie lui-même d’assouvir les désirs de son coeur, l’humble qui attend tout de Dieu sort cueillir la manne au désert. Et le Seigneur se délecte de nous l’avoir envoyée et qu’elle nous nourrisse vraiment.

fr. Pierre Sokol et Isabelle Kamaroudis
relecture par le Père Dominique Aubert